Télétravail et Risques Psychosociaux : Défi des managers
Avec la crise sanitaire, le télétravail s’est généralisé exposant certains collaborateurs à une sensation d’isolement et à des troubles psychosociaux. Les managers sont ainsi confrontés à de nouveaux défis : conserver la cohésion de l’équipe et être à l’écoute des difficultés des plus fragiles.
Le télétravail source de déséquilibre
Même si le télétravail apporte son lot de satisfactions – gain de temps sur les transports, conditions de travail plus calmes – il crée aussi un environnement porteur de certains risques. En premier lieu, l’isolement. Bien sûr, les open spaces ne prêtaient pas toujours à une franche convivialité. Mais ils permettaient des moments de partage informel, comme les pauses café ou le déjeuner. Moments où s’échangeaient des informations sur la vie de l’entreprise, les opportunités de marchés, les innovations… Aujourd’hui le collaborateur est seul chez lui. Obligé de rechercher l’information par mails et par réunions, il lui manque ce « je-ne-sais quoi-et-presque-rien » (1) qui le rassurait. Va naître alors pour lui de l’inquiétude sur l’avenir ou un sentiment d’injustice vis-à-vis de ses collègues ou encore une perte de sens de son travail. Peu à peu, c’est la conviction d’appartenir à une équipe qui risque de s’émousser.
Une autre dérive du télétravail : la mauvaise organisation et la perte d’estime de soi. En l’absence de signes de reconnaissance, le collaborateur peut voir son identité fragilisée et chercher en conséquence à prouver sa valeur en travaillant toujours plus. La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle s’estompe jusqu’à disparaître, les heures face à l’écran s’allongent et le mauvais mobilier de travail achève d’épuiser le corps. Pour peu que des problèmes familiaux s’immiscent dans son quotidien, le collaborateur risque de développer des troubles psychosociaux : fatigue, baisse de la concentration, addictions diverses, burn out…
Des managers qui doivent s’adapter
Dans ce nouvel environnement, les managers doivent relever de nouveaux défis : maintenir la cohésion de l’équipe, la motivation et la santé des collaborateurs.
La première des préconisations : maintenir le lien avec le collaborateur. C’est une évidence ? Pas tant que cela, car se pose la question de la fréquence des échanges liée à l’autonomie du collaborateur et au style de management. Un collaborateur autonome n’a pas les mêmes besoins qu’un collaborateur débutant. Un manager hyper contrôlant n’a pas les mêmes pratiques qu’un manager qui délègue et fait confiance. Il y a donc un ajustement à trouver entre deux besoins qui parfois peuvent être antagonistes. En l’absence d’ajustement, la relation manager-managé créera plus d’inconfort que d’apaisement.
Deuxième préconisation : une écoute de qualité. Bien sûr, les managers écoutaient déjà leurs collaborateurs. Mais dans une relation à distance et formelle (c’est-à-dire sans échanges de couloir et de pause café), cette écoute doit être particulièrement vigilante. Elle doit s’appuyer sur l’empathie qui est la capacité à entendre et à reconnaître les émotions de son interlocuteur. Dans des entreprises où les émotions sont mises sous couvert, cette posture sera plus difficile à adopter.
Pourquoi de l’empathie ? Parce qu’elle permet de créer une confiance indispensable au collaborateur pour se sentir réellement entendu. Il peut alors plus facilement s’ouvrir sur ce qu’il vit et sur ce qui l’inquiète. Et cela permet au manager de mieux percevoir et de mieux comprendre ce que l’on nomme les signaux faibles. Les signaux faibles sont ces changements dans la façon d’être du collaborateur et qui se manifestent sous forme de somatisation, de changement d’humeur, de qualité dans le travail rendu. Oser aborder ces sujets demande du courage au manager qui n’est souvent pas préparé. Et pourtant ce courage est indispensable. Les bénéfices en sont réels : un collaborateur qui se sent entendu, reconnu, valorisé retrouve motivation, bien-être et envie de travailler en équipe.
Dernier élément justement, la cohésion d’équipe. Une confiance retrouvée chez le collaborateur favorisera un meilleur travail collaboratif. Encore faut-il que le manager instaure des règles suffisamment claires et partagées pour que le travail en équipe fonctionne de manière optimale. Et puis, la cohésion c’est aussi de la convivialité. Hors présentiel, c’est plus difficile. D’où l’importance de conversations hors sujet de travail et de moments où l’on rit.
Avec cette crise, le rôle des managers devient donc prépondérant. Créer une dynamique d’équipe, veiller à l’équilibre de chacun, donner du sens, voilà de nouveaux challenges qui ne peuvent qu’enthousiasmer. Ou plutôt, voilà d’anciens challenges que l’époque que nous traversons permet d’amplifier et d’ancrer dans les pratiques managériales.
(1) « Comme toutes les choses très importantes, plus elles jouent un grand rôle dans notre vie, plus elles sont impalpables, invisibles et manipulables. » – Vladimir Jankélévitch
Par Fabrice Agret, Co-fondateur Playitagain