Qualité de vie au travail, et si on dialoguait ? / par Fabrice Agret
Alors on ne parle plus de stress ? Ni de Risques PsychoSociaux, de burn out ou de bore out ? On préfère le bonheur au travail et la QVT (qualité de vie au travail). Approche positive et dynamique d’une problématique d’entreprise ou simple glissement sémantique ? Considérant le plus souvent le bonheur comme un enjeu personnel, les directions préfèrent élaborer des projets QVT. Mais entre bien-être des salariés, développement des carrières et pratiques managériales, ces projets peuvent vite devenir des poèmes à la Prévert. Comment alors donner une colonne vertébrale à toutes ces actions ?
Derrière le syndrome babyfoot
Un cliché revient souvent lorsqu’on parle de QVT : le babyfoot. Derrière ce symbole qui pourrait paraître superficiel, se cache pourtant un réel besoin. Créer dans l’entreprise des espaces et des moments de convivialité – espaces de détente ou de travail collaboratif, moments festifs, teambuilding… Cette convivialité répond à plusieurs nécessités :
- permettre aux collaborateurs de mieux se connaître, ce qui est important dans des organisations en perpétuel changement
- offrir des moments de décompression à une époque où l’expression « la tête dans le guidon » est omniprésente
- générer de la créativité en mixant les points de vue.
Toutes les actions apportant plus de partage et de détente ne peuvent donc être que positives.
Plus de souplesse au quotidien
Autre attente des collaborateurs : travailler dans un environnement plus souple. L’aménagement des horaires, des espaces, le télétravail et les conciergeries répondent à ces demandes et sont donc reçus très positivement. L’agilité est un concept en vogue dans les entreprises, il est donc normal que cette agilité se retrouve aussi dans l’équilibre de chacun et notamment dans l’équilibre vie privée, vie professionnelle. Face à la charge de travail, permettre à chacun de s’organiser selon ses besoins ne peut apporter que du mieux-être.
On peut voir aussi la gestion des carrières sous l’angle d’une plus grande adaptabilité. Développer des formations à la carte, gagner en employabilité, sortir des pièges de la discrimination en travaillant sur les stéréotypes, le plafond de verre, l’intergénérationnel… Les angles d’attaque ne manquent pas pour offrir des parcours en entreprises plus riches qui répondent mieux aux attentes de chacun.
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Des souffrances inévitables
Ce regard positif sur l’évolution du monde du travail ne doit pas faire oublier que la souffrance existera toujours. L’entreprise, comme tout organisme, est confrontée à des déséquilibres et des dysfonctionnements. L’accélération des évolutions, la succession des réorganisations, les inquiétudes sur l’avenir, les conflits interpersonnels, tout comme les problèmes de vie privée apportent leur lot de souffrances.
La sophrologie, le mindfullness, le sport peuvent être des réponses aux diverses formes de mal-être ressenties par les collaborateurs. Mais ces méthodes ne sauraient suffire à traiter les problèmes à la base. Une réflexion sur le travail et son organisation est indispensable et les managers ont leur rôle à jouer sur ces questions.
Des mesures alibi ?
Pour vraiment apporter de la qualité dans le travail et dans la vie au travail, une réflexion collective en profondeur est indispensable. Sans les collaborateurs, elle aura peu de portée. Car si les actions favorisant le bien-être individuel viennent de la direction, elles risquent de s’apparenter à de simples gadgets. Certaines directions pourraient d’ailleurs s’en servir comme alibi et se défausser de leurs responsabilités, laissant la question du bien-être à la charge de chaque collaborateur. « Nous mettons des moyens à votre disposition, soyez heureux ! »
Or, on le sait, l’individualisation de notre société est une des principales causes des risques psychosociaux. Il est devient alors primordial de créer du dialogue et du collectif.
Le dialogue, un lien à toutes ces actions
Une démarche QVT ne peut réussir que si elle implique l’ensemble de l’entreprise rendant chaque collaborateur responsable et participatif.
Pour cela, il est essentiel de développer une culture du dialogue à tous les niveaux.
Dialogue vertical entre direction managers et équipes. Pour que chacun se sente impliqué, puisse exprimer ses besoins, ses idées. Cela demande une denrée rare en entreprise : le temps. Temps pour se réunir, pour instaurer de la confiance, pour définir ses besoins, pour apprendre à les exprimer, temps pour développer une écoute bienveillante.
Ce dialogue vertical n’est viable, bien entendu, que si le CODIR s’inscrit dans la même démarche. Il faut savoir lâcher-prise pour que les graines de l’autonomie puissent germer.
Dialogue horizontal entre pairs, entre managers, entre collaborateurs. Oser dire ce qui ne convient pas, ce qui ne marche pas, savoir demander et proposer des solutions. Cette qualité de partage bienveillant ne peut que développer une culture de l’intelligence collective, les regards croisés permettant de mieux anticiper et de mieux répondre aux besoins de chacun. D’ailleurs, les ateliers de co-développement ont le vent en poupe en entreprise.
Dialogue avec soi-même. Car définir ses besoins, rechercher ses réponses propres s’apprend. C’est par un travail de formation, de coaching mais aussi de partage de réflexions avec les autres que l’on apprend à se connaître. Et mieux se connaître, cela permet de faire des choix et donc de moins subir, ce qui rend plus heureux. L’entreprise peut encourager chacun dans ce sens. Le résultat : des collaborateurs plus autonomes et plus responsables. C’est ce travail personnel combiné à un partage avec le collectif qui rendra chacun plus engagé et créateur d’un meilleur environnement.
Une construction commune et évolutive
Avec cette démarche, la Qualité de Vie au Travail, devient
- une construction partagée : elle permet de créer collectivement des évolutions mieux adaptées aux besoins diversifiés de l’entreprise (femmes, hommes, Y, seniors, collaborateurs handicapés, etc).
- Une construction dynamique : les actions adaptées à un instant T d’une entreprise peuvent évoluer si elles sont régulièrement questionnés.
Cette culture du dialogue donne donc à chacun de l’autonomie, de la responsabilité et du sens, trois éléments indispensables pour aller vers peut-être… une sensation de bonheur, assurément, une amélioration des conditions de travail et de l’efficacité dans le travail.
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