Le management éthique : « L’éthique est chic, l’éthique est choc ! » / par Francis Boulogne
Le management éthique : un rêve ? Tel était l’objet de la Convention Ethique qui s’est déroulée à la Maison du Management le 11 janvier dernier. 3 grands témoins passionnants qui portent ce sujet à La Française des Jeux, chez Schneider Electric, et Dupont de Nemours, nous ont éclairés de leur vision et expériences en la matière. Stéphanie Scouppe, Secrétaire du bureau du Cercle Ethique des Affaires, a choisi le théâtre pour questionner certaines situations en matière d’éthique et de droit des affaires. Laissons la parole à Francis Boulogne, l’auteur de ces saynètes :
L’éthique est chic, l’éthique est choc !*
(*chantait la RATP dans les années 80)
Aujourd’hui, j’entends souvent dans les entreprises que je côtoie : « Ce ne sont que des chansons, des mots ! Quand tout va bien, chacun peut s’exprimer derrière un micro et se gargariser de déclarations gorgées de bonnes intentions, de loyauté et de vœux pieux. Qu’en est-il de ces principes quand l’entreprise est confrontée à des secousses stratégiques et économiques, quand les marchés sont plus difficiles à gagner ? »
D’ailleurs, la morale et l’éthique se rapportent à la sphère des valeurs et des principes moraux. Morale et éthique sont-ils synonymes ? Ont-ils des significations distinctes ?
Autant je laisse chacun répondre à la première question en fonction de ses expériences, autant je tenterai une réponse à la seconde. Pour certains penseurs, « morale » et « éthique » ont la même signification : le premier mot provient du mot latin « mores » et le second du mot grec « êthos » qui, tous les deux, signifient « mœurs ».
Pour les grecs, ceux de la première démocratie du 8ème siècle avant notre ère , l’éthique est une réflexion argumentée en vue du bien agir. Elle propose une interrogation sur les valeurs et les principes qui devraient orienter nos actions, dans différentes situations, dans le but d’agir conformément à ceux-ci. Elle laisse au citoyen la liberté d’agir selon ces interrogations.
« Il n’y a d’éthique que lorsqu’il y a liberté »
souligne l’anthropologue Jacques Ruffié.
Ensuite, les romains se sont inspirés de ces réflexions grecques, et ont structuré ces valeurs et ces principes en morale. Ils différencient le bien du mal, le juste de l’injuste, l’acceptable de l’inacceptable. Il s’agira alors de se conformer au bien, et de punir le mal.
À travers les époques et les cultures, des individus et des groupes ont défendu différentes conceptions de ces valeurs et principes. Ces conceptions de la morale sont appelées des « morales ». Par exemple, le christianisme propose un ensemble de valeurs comme la charité, ou le pardon, et de principes comme l’injonction d’aimer son prochain comme soi-même. Cette morale ayant pour ambition de guider l’humain dans ses agissements. On parle alors de la « morale chrétienne ».
Ethique, Réplique et publics
Nous, comédiens et formateurs, nous sommes à la croisée de plusieurs chemins professionnels. A la fois dans le monde des entreprises, et aussi dans celui du spectacle. Dans ces deux univers, les références morales et éthiques se traduisent de manière différentes, et le seuil d’acceptation varie.
Dans l’entreprise, nous formalisons l’éthique en affichant des valeurs. Ce qui n’exclut pas quelques écarts entre les discours affichés en couleur dans les couloirs, et la réalité terrain. Dans le secteur du spectacle, constater les liens d’ordre privé, familiaux entre les diverses parties prenantes d’un projet artistique, peut interroger sur l’éthique du copinage, du recrutement stratégique, et du népotisme.
Ici nous avons le chef de projet placardisé, stratégiquement démotivé, là nous avons l’artiste brutalement remplacé à quelques jours du lancement d’une série de représentations d’un spectacle très médiatisé. Dans les deux cas, quelles sont les valeurs défendues ? Quelles sont les pratiques éthiques ?
Emoi, éthique, et moi ?
Nous sommes confrontés à ces questionnements sur les valeurs dans les entreprises. L’appropriation des valeurs. Une des réactions dont nous sommes témoins, est la question de la libre pensée. Le collaborateur réagit avec émotion en arguant qu’il ne souhaite pas que l’entreprise lui impose un état d’esprit imaginé, voire décrété en réunion de CODIR.
L’éthique, et l’éthiquette.
L’éthique, c’est bon pour l’image. Ethiquette et cosméthique, s’amuse Philippe Détrie, fondateur de la Maison du Management. La marque employeur tient compte de ces questions d’éthique. Quelles sont les valeurs de l’entreprise, son image à l’externe, et son image en interne. Pourrai-je développer une fierté d’appartenance à cette entreprise ? Pour refaire un parallèle avec notre autre maison, celle du spectacle vivant, pourrai-je m’investir dans une production artistique prônant les idées d’un Brasillach ou d’un Faurisson, en prétextant n’être qu’un interprète se contentant d’exercer son métier ? Certaines entreprises qui défraient la chronique éthique actuellement, peuvent-elles simplement affirmer ignorer les effets de leurs choix en répondant ne pas faire de politique pour justifier, ou expliquer, leurs positions ?
« Nous, on ne fait pas de poléthique »
De l’éthique à l’attaque.
L’éthique comme argument concurrentiel. Si mon comportement commercial manque d’intégrité, mes concurrents sauront le faire savoir au bon moment stratégique pour eux. Les entreprises concernées sont alors traînées devant les tribunaux, et les réseaux sociaux diffusent largement l’information.
A une époque en réel quête de sens, l’exemplarité aux plus hauts niveaux prend toute son importance. Les tristes contre-exemples de certains membres de la précédente classe politique ont agité notre vigilance citoyenne.
L’éthique des jeunes
D’après l’étude Deloitte « The Millennial Survey », 56 % des jeunes issus de la Génération Y n’envisagent aucune collaboration avec certains employeurs en raison des valeurs ou de la conduite de ces entreprises, et 49 % ont refusé des missions allant à l’encontre de leurs valeurs ou de leur éthique
Ethique à tous les étages
Depuis quelques années, nous voyons fleurir de plus en plus de chartes de confiance et d’éthique qui s’écartent des valeurs de façade, ou de couloir, pour se rapprocher des réalités auxquelles les collaborateurs sont confrontées au quotidien. Ces démarches visent à réinsuffler du sens et de l’authenticité dans les organisations.
L’éthique sur scène et zygomatiques
Lorsque, avec Stéphanie Scouppe, secrétaire générale du Cercle Ethique des Affaires, nous mettons en scène et faisons sourire avec un recruteur confronté à la candidature d’un proche ; un directeur commercial invité à un séminaire travail + loisir, accompagné d’une personne de son choix ; lorsque nous jouons une situation de conflit d’intérêt, ou d’apparence de conflit d’intérêt, nous confrontons chacun des participants à ces réalités, en passant de l’éthique utopique à l’éthique pratique. Les entreprises qui nous sollicitent pour animer et encourager ces questionnements envoient alors un signe fort de bon fonctionnement de leur climat éthique.
Au-delà de la réflexion, nous les accompagnons également à la mise en place de sensibilisations et de communications sur les sujets pratiques, afin d’instaurer une dynamique éthique positive.
Pour terminer, je reprendrai la conclusion du memento édité ce mois-ci par la Maison du Management, « Manager l’éthique et en faire un levier de confiance et de performance » : « …Il n’y a pas de recette parfaite à l’éthique. Le plus important, c’est que la démarche soit vraie et la plus participative possible. Que les valeurs soient bien communiquées, et vécues. Du haut au bas de l’organisation. »
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