Sensibiliser au sexisme, c’est éduquer à l’ouverture aux autres
Face au sexisme, la connaissance et l’application de la loi sont nécessaires mais pas forcément suffisantes. Car modifier les comportements des collaborateurs sur ce sujet passe aussi par une compréhension, une sensibilisation et de l’empathie.
C’est pour cela que les formations en entreprise ne peuvent se limiter à des définitions et à des données juridiques, au risque de provoquer de la culpabilité ou de l’agacement.
Sensibiliser au sexisme, c’est rendre chacun responsable, ouvert aux autres pour un apprentissage du vivre-ensemble.
Le sexisme est présent dans un certain nombre d’entreprises. Parfois de manière grossière avec du harcèlement, le plus souvent de manière sourde et ambiguë avec des remarques ou de « l’humour » qui n’en porte que le nom.
Des petites phrases sur la tenue ou le physique, des allusions douteuses jusqu’aux gestes déplacés… tout cela contribue à un mal-être quotidien au travail. Et ce phénomène peut aussi toucher les hommes avec des injonctions à la virilité.
Sexisme et responsabilité ?
Tout le monde. Le plus souvent les hommes vis-à-vis des femmes, mais les femmes ne sont pas en reste quant au dénigrement de leurs consœurs ou à la perpétuation de stéréotypes.
Des conséquences immédiates
Les victimes peuvent souffrir en silence, culpabiliser ou se renfermer. Mais les entreprises peuvent être elles aussi affectées, avec un risque de perte de motivation et d’esprit d’équipe, de démission des talents et de baisse de l’attractivité de la société.
Face au sexisme, comment agir ?
Ouf, il y a la loi. Pour le bien-être de chacune et de chacun, pour la bonne santé de l’entreprise, il ne reste plus qu’à l’appliquer et à sanctionner !
Oui, mais c’est un peu plus compliqué que cela…
Certes, la loi permet d’exprimer distinctement ce qui est interdit, d’organiser des sensibilisations, de la communication et de désigner des personnes référentes. Heureusement, la loi existe pour poser ce cadre.
Mais la loi ne développe pas l’empathie, c’est à-dire la compréhension émotionnelle du vécu de l’autre, elle n’a pas pour rôle d’ancrer de nouvelles postures.
Lutter contre le sexisme par la loi est donc indispensable, mais hélas insuffisant. Car la sanction engendre l’obéissance mais développe peu la conscience et la sensibilité.
Face à un cas de sexisme, certains managers pourraient réagir en disant : « Ce que tu viens de faire est interdit, déplacé et je te rappelle les conséquences juridiques de ton acte ».
Au risque de braquer certains collaborateurs qui ne se sentent pas agresseurs, entraînant de la culpabilité ou un sentiment d’injustice, provoquant une guerre de clans, les femmes contre les hommes.
Ce serait contre-productif, car lutter contre le sexisme, c’est l’affaire de tous. Nous sommes tous concernés et devons tous être responsables, au quotidien, dans nos paroles et nos actes les plus anodins.
Il me semble plus efficace de partir du principe que dans bien des cas, le sexisme est affaire d’inconscience, de maladresse, d’ignorance.
Sensibiliser pour éveiller
Lorsque nous intervenons en entreprise sur ce thème, c’est avec les outils du théâtre, mais aussi des partages d’expériences ou de points de vue complétés par des apports théoriques.
Nous montrons des situations et par le biais des personnages, nous faisons vivre les ressentis des victimes, des harceleurs et des témoins. Nous mettons ainsi en évidence les motivations, les craintes, les erreurs des uns et des autres.
Force est de constater que ces interventions génèrent beaucoup de débats et d’intérêt !
Car les salariés veulent comprendre quelles formes prend le sexisme et comment y répondre.
Et une question apparaît très vite. Où est la limite ? Jusqu’où puis-je aller sans être sexiste, ou plus exactement à partir de quand je deviens sexiste sans le savoir ? Et sous-entendu à cette interrogation : « Mais alors, on ne pourra plus rien dire ou faire ? »
Rassurez-vous, on pourra toujours user d’humour et faire des compliments. Mais pas n’importe quand, n’importe comment et à n’importe qui.
Vivre en collectif, cela se régule
Le premier bénéfice de ces interventions est la compréhension, la découverte des expériences et des sensibilités des unes, des uns et des autres.
Quelle surprise que de s’entendre répondre à un « Mais il n’y a pas de sexisme chez nous » un « Ah mais si ! j’ai vécu telle et telle expérience ». Quelle surprise de voir le nombre de personnes et surtout de femmes exprimer leur malaise lors de réunions ou d’entretiens. Quelle surprise de se rendre compte qu’un même événement a été vécu de manière différente, avec des sensibilités diverses.
Et oui, nous sommes tous différents. Nous pouvons être blessés sans le montrer et nous pouvons nous-mêmes blesser sans nous en rendre compte.
C’est cela que le sexisme nous raconte. Au-delà des actes grossiers et/ou répétitifs à sanctionner, ce sont des phrases anodines, des regards, des sous-entendus, des traits d’humour, des jugements qui peuvent quelquefois toucher et blesser.
Au travail, nous sommes réunis par obligation, nous ne nous choisissons pas
Et nous devons en tenir compte dans nos relations quotidiennes. Il est donc de notre devoir de veiller au respect et au bien-être des autres.
Comment ? En étant attentif à leurs réactions, mais aussi en ouvrant le dialogue. C’est la responsabilité des managers mais également la responsabilité de chacun des salariés.
Il faut ainsi poser certaines questions : « Au sein de l’équipe, y a-t-il des paroles ou des comportements qui mettent mal à l’aise ? Est-ce que nous pouvons en discuter, les éviter, les accepter ? »
Ouvrir cet espace de parole n’est pas chose facile. Cela demande beaucoup de confiance au sein d’une équipe. Mais c’est le moyen le plus sûr de s’ajuster aux sensibilités de chacun. Rendre les uns plus attentifs, les autres plus tolérants.
Cette posture de respect permet une meilleure compréhension entre les sexes, mais on pourrait l’appliquer également au handicap, aux origines sociales ou étrangères, à l’orientation sexuelle, à l’apparence physique … Bref tout ce qui touche à la singularité de chacune et de chacun.
Au quotidien, lutter contre le sexisme est donc davantage une affaire d’éducation, de sensibilisation, d’ouverture aux autres pour mieux vivre ensemble, qu’uniquement une prévention par la seule menace de la loi.